Tests Covid-19 : comprendre leurs interprétations

La place et l’intérêt des tests du Covid-19 sont difficiles à comprendre pour plusieurs raisons : le contexte de surinformation apporte son lot de polémiques au détriment de la pédagogie, mais aussi les connaissances scientifiques actuelles comportent encore des incertitudes. Rappelons d’abord que les tests PCR (ou RT-PCR) recherchent la présence du virus dans le nez au moment du test, tandis que les tests sérologiques recherchent dans le sang les traces d’un contact passé avec le virus. L’utilité et les interprétations de ces deux types de tests diffèrent totalement. disponibilité des différents tests diagnostics pour l’infection à coronavirus

En quoi les tests sont-ils utiles ?

Un test RT-PCR positif permet de limiter la contagion en proposant d’isoler le plus tôt possible les porteurs du virus et leurs contacts. Ils ont l’inconvénient d’avoir en proportion assez grande de faux négatifs.
Les tests sérologiques sont indispensables pour effectuer les études épidémiologiques (surveillance des populations), mais il faut connaître leurs limites à titre individuel, car ces tests sérologiques ne permettent pas de répondre aux questions : « — Suis-je contagieux ? » ou encore « — Suis-je protégé contre le Covid-19 ? ».

Tests sérologiques et risque d’erreur au niveau individuel : cas d’une maison de retraite

L’utilisation des tests sérologiques dépend de la question posée. Au niveau épidémiologique, les résultats sur des groupes sont utiles pour la surveillance sanitaire. Du point de vue de l’individu, le risque d’erreur reste élevé. Explications à partir de l’exemple d’une maison de retraite.

Comme le détaille un article de la revue New England Journal of Medicine, l’histoire d’une maison de retraite associant court et long séjour dans l’état américain de Washington permet de comprendre l’évolution d’une épidémie d’infections par le coronavirus. Il s’agit d’un lieu fermé où coexistent des personnes âgées et fragiles avec ceux et celles qui les accompagnent.
Un membre du personnel soignant avait présenté des symptômes d’infection le 26 Février 2020 et un résident hospitalisé le 5 mars avait eu un test de dépistage du virus par RT-PCR positif (prélèvement effectué le 3 Mars). Les autorités de santé, (le CDC – Center for Disease Control and Prevention), collecta par prélèvement nasopharyngé et oropharyngé les secrétions des résidents, le 3 et le 19-20 Mars 2020.
Parmi les 48 résidents positifs, 27 ne signalaient aucun symptôme nouveau au moment du prélèvement Dans les 7 jours qui ont suivi, 24 de ces 27 résidents ont eu des symptômes de la maladie. Ils avaient donc été testés positifs sur la présence de virus par RT-PCR au cours d’une période pré symptomatique de durée moyenne de 4 jours. Il y eut au total 15 décès dans cette maison de retraite.

Suivant les dates de prélèvement les tests RT-PCR montrent des prévalences différentes
Parmi les 138 soignants et personnes-contacts, 11 étaient RT-PCR positifs le 3 Mars (prévalence 8%) Une semaine plus tard, 55 ont rapporté des symptômes et 51 ont été testés, dont 26 ont été positifs (prévalence 19%) (infirmier (e)s et aide-soignant(e)s, services de support médical ou social). Ce cluster offre deux exemples de prévalence différentes de l’infection par le Covid-19, allant de 8% (le personnel de soins et d’accompagnement) à 64% (les résidents, quelques jours après la survenue du premier cas).

Et si on avait utilisé des tests sérologiques ?
Voilà donc comment, un mois plus tard, on peut imaginer l’utilisation de tests sérologiques recherchant des anticorps développés contre le Covid-19. On imagine que le même test sérologique est effectué après une prise de sang. On imagine que sa spécificité est de 98% et sa sensibilité de 95%. Si l’on fait une enquête complète de tous les contacts et de leurs familles, par exemple cinq cents personnes, les tests sérologiques diront-ils exactement qui a été infecté et qui ne l’a pas été ? Le risque de faux négatif est de combien ? Le risque de faux positif est de combien ? Le sachant, quelles consignes personnalisées donnera le médecin traitant à chaque personne, compte-tenu de l’état psychologique, de l’activités professionnelle, de la situation familiale et des déplacements ?
Si la prévalence est vraiment de 8% et si 500 personnes bénéficient d’un test sérologique, près de 9 personnes (19,5% des positifs) seront considérées comme ayant des anticorps dont on espère sans le savoir encore qu’ils soient protecteurs, alors qu’elles n’en ont pas (faux positifs).  Deux personnes (1,2% des seront considérées comme sans anticorps alors que ceux-ci sont présents (0,4 % des négatifs)
Chez les résidents de cet EHPAD ou d’autres, si la prévalence est de l’infection virale est de 64%, quand on testera la présence d’anticorps dans le sang de 500 personnes, 4 seulement (1,2 % des positifs) seront de faux positifs mais en revanche 16 seront des faux négatifs (8,3 % des négatifs).

L’utilisation des tests sérologiques dépend de la question posée
Au niveau épidémiologique, les résultats sur des groupes sont des calculs de veille sanitaire utiles. Au niveau de l’individu, où tout dépend du service que l’on veut rendre à la personne qui souhaite être testée ou à qui l’on suggère de l’être, le risque d’erreur reste élevé. Il n’y a pas de place ici pour le marketing d’une technique ou d’une autre…. « Autant que la technique choisie après le feu vert des autorités (examen en laboratoire de biologie, Test Rapide d’Orientation Diagnostique, autotest), l’interprétation du résultat, hors enquête épidémiologique, relève des résultats d’une éventuelle RT-PCR pratiquée antérieurement et de l’art médical dans toute sa capacité d’écoute, d’analyse et de conseil sur la santé à des individus et à leurs familles. »


Référence :
Pr J. Ménard, Pr P. Degoulet et Dr N. Postel-Vinay. D’après M.M. Arons, K.M. Hatfield et coll. avec le CDC COVID-19 Investigation Team* April 24, 2020, at NEJM.org. Mise en ligne sur automesure.com le 4 mai 2020